De quoi s’agit-il ?
Dans une interview conjointe au JDD, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili ont annoncé dimanche 22 novembre 2020 la création prochaine d’un délit d'écocide.
Cette mesure répond à une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitait instaurer un "crime d'écocide" pour punir sévèrement les atteintes à l’environnement.
Sur le site officiel de la Convention citoyenne, on peut ainsi lire : "nous proposons d’adopter une loi qui protège les écosystèmes de la dégradation et de la destruction, en faisant porter la responsabilité juridique et financières sur les auteurs des déprédations."
Pour rappel, la Convention citoyenne pour le climat a été constituée en octobre 2019, à l'initiative du chef de l'État. Elle a regroupé 150 citoyens tirés au sort qui avaient pour mission de proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
La Convention a proposé 149 mesures à Emmanuel Macron, qui s'est engagé à en reprendre 146.
Pourquoi cette mesure ?
Le délit d'écocide qui va être créé prochainement dans le droit français a pour objectif de prévenir et sanctionner les atteintes graves à l'environnement.
Si l’on se réfère à la définition de Wikipédia, un écocide est "la destruction ou l'endommagement irrémédiable d'un écosystème par un facteur anthropique", c’est-à-dire par une activité humaine.
La création de ce nouveau délit constitue donc une avancée importante du droit français, pour ne plus laisser les pollueurs impunis.
Pour quels faits pourra-t-on être poursuivi ?
"Je veux mettre fin au banditisme environnemental.", a déclaré Eric Dupond-Moretti dans le JDD.
Même s’il est pour l’heure difficile de dresser une liste exhaustive des faits pouvant correspondre à un délit d'écocide, on peut imaginer que cette nouvelle mesure permettra de sanctionner :
- les dommages portant atteinte à la biodiversité
- les rejets sauvages (accidentels ou intentionnels) dans la nature
- les pollutions diverses (sur terre, en mer, dans les rivières ou dans l’air) de la part d'entreprises, d'agriculteurs ou de particuliers.
Quelles sont les sanctions encourues ?
Eric Dupond-Moretti a détaillé les sanctions prévues en cas de délit d'écocide :
"Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l'intentionnalité de l'auteur. Les peines encourues vont de trois ans d'emprisonnement à dix ans d'emprisonnement selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d'une obligation et la plus lourde, d'une infraction intentionnelle".
En plus des peines allant de 3 à 10 ans d’emprisonnement, le garde des Sceaux a annoncé des amendes dissuasives, qui pourront aller de 375.000 euros à 4,5 millions d'euros.
"Autrefois vous polluiez, vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu'à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve", a-t-il affirmé.
Quelles mesures de prévention ?
Autre innovation du gouvernement, un deuxième délit de "mise en danger de l'environnement" devrait aussi voir le jour.
Contrairement au délit d'écocide, ce délit sanctionne les imprudents même quand la pollution n'a pas encore eu lieu.
"Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l'environnement par des violations délibérées d'une obligation", a expliqué Eric Dupond-Moretti dans le JDD.
La peine encourue est d'un an de prison et 100.000 euros d'amende.
Quels moyens pour faire appliquer ces mesures ?
Parallèlement à ces annonces, le garde des Sceaux a évoqué une réorganisation de la justice, avec la création de juridictions spécialisées de l'environnement.
Pour faire face à ces nouveaux délits, le gouvernement prévoit la création :
- d'une juridiction spécialisée de l'environnement, avec un tribunal spécialisé dans chaque cour d'appel, qui sera compétent au civil comme au pénal
- de postes d'assistants spécialisés en matière environnementale.
De plus, les inspecteurs de l'environnement vont devenir officiers de police judiciaire et pourront donc verbaliser les contrevenants.
Est-ce suffisant ?
Pour un certain nombre de militants, la création d’un délit d'écocide (sorte de délit général de pollution) et d’un délit de mise en danger de l’environnement reste en-deçà des attentes de la Convention Citoyenne pour le Climat.
"La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationales de l'écocide", a déploré le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion sur Twitter.
"A l'enthousiasme citoyen qui s'est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal", a justifié le garde des Sceaux, en faisant valoir un problème de constitutionnalité à l'égard du mot "crime".
L'abandon de la notion de crime n'est pas forcément une mauvaise nouvelle, selon l'avocat Arnaud Gossement qui indique sur Twitter qu'elle "était surtout symbolique".
Selon lui, "le 'délit général de pollution' peut être très intéressant pour simplifier et donc rendre enfin plus efficace le droit pénal de l'environnement".