Une réponse à la crise
Cultiver la terre en pleine ville, tel est le principe de l'agriculture urbaine ou urban farming. Ce concept suscite un engouement croissant dans les métropoles à travers le monde.
Si certaines villes cultivent leur jardin pour offrir à leurs habitants une nourriture plus saine, d'autres comme Detroit y voient surtout l'opportunité d'un renouveau économique.
En 2011, la Motor City affichait une faillite économique doublée d'une désertification industrielle. La ville s'était embourbée dans la crise jusqu'à atteindre 18,5 milliards de dollars de dettes en 2013.
Dans certains quartiers, le chômage frappait 50% de la population, suite au licenciement de dizaines de milliers de travailleurs.
Mais, depuis plus d'une décennie, plusieurs associations locales oeuvrent à la transformation (pour ne pas dire la renaissance) de leur ville par le biais de l'urban farming.
Passer de la rouille à la verdure
Souvenez-vous : au siècle dernier, Detroit était le fleuron de l'industrie automobile et devait sa prospérité aux géants Ford, Chrysler et General Motors.
Mais, à partir des années 1970, la Manufacturing Belt ("ceinture de production") située autour des Grands Lacs est devenue la Rust Belt ("ceinture de rouille") et la ville a sombré lentement mais sûrement dans la crise.
Aujourd'hui, la métropole américaine remonte doucement la pente, grâce à de nouveaux modèles de production et de consommation.
Avec une superficie équivalente à la ville de San Francisco, les friches industrielles de Detroit sont un parfait terrain pour développer l'agriculture urbaine.
Déjà en 1970, le maire Coleman Young avait lancé le programme Farm-A-Lot, pour encourager les habitants à cultiver un lopin de terre dans leur quartier.
Près d'un demi-siècle plus tard, l'urban farming a pris une ampleur inédite dans la ville, qui compte plus de 1400 fermes à ce jour !
Autrefois décrits comme un "désert alimentaire" en pénurie de produits frais, les quartiers industriels en friche ont été transformés en "oasis" agricole offrant aux habitants une nourriture abondante, de qualité et... gratuite !
Les résidents peuvent en effet venir y cueillir des produits, mais aussi se former à l'agriculture pour cultiver ensuite leur propre jardin ou monter leur petite entreprise.
Copyright : Jessica Reeder
Une ville pionnière de la consommation collaborative
Non seulement Detroit a trouvé un second souffle en cultivant la terre, mais elle est aujourd'hui considérée comme un modèle d'agriculture urbaine.
Le 30 novembre 2016, la cité a inauguré un quartier agricole à grande échelle en pleine ville : une première aux États-Unis !
Baptisé AgriHood (quartier agricole), ce projet est né grâce à l'association Michigan Urban Farming Initiative.
Il s'est installé à la périphérie nord de Detroit, dans les lieux même où la crise et la désertification avaient fait apparaître des quartiers fantômes aux maisons à l'abandon.
Non seulement ce quartier agricole présente une taille inédite (avec un hectare de jardins urbains), mais il peut se vanter d'être durable, bio, local et gratuit !
On y trouve, entre autres initiatives, un verger de 200 arbres fruitiers, un jardin sensoriel pour les enfants et un centre éducatif.
Ce projet, qui fonctionne sur la base du volontariat, a d'ores et déjà permis de fournir plus de 22 tonnes de produits frais gratuits à plus de 2000 foyers modestes.
Il constitue l'un des rares exemples d'agriculture urbaine au monde prouvant que l'autosuffisance alimentaire d'un quartier est possible en pleine ville.
Il est aussi l'un des plus importants modèles de consommation collaborative en Occident.