Le premier bateau nettoyeur du monde
Chaque minute, 17 tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les océans… soit 9 à 12 millions de tonnes chaque année ! Pour faire face à cette pollution alarmante, le navigateur franco-suisse Yvan Bourgnon a imaginé une solution inédite.
Avec son association The SeaCleaners, il ambitionne de mettre au point le premier bateau nettoyeur des océans.
Baptisé le Manta (en référence à la raie manta qui se nourrit en filtrant l’eau), ce catamaran révolutionnaire serait à la fois une usine de tri des déchets en pleine mer et une vitrine scientifique et pédagogique pour sensibiliser les populations à la pollution des océans par les plastiques.
Un navigateur engagé
C’est l'aventurier et navigateur aux multiples records Yvan Bourgnon qui est à l’origine de ce projet.
Il a pu en effet constater le terrible fléau de la pollution plastique de ses propres yeux, en particulier pendant un tour du monde en solitaire entre 2013 et 2015.
Alors qu’il navigue en Asie du Sud-Est, il ne reconnaît plus les eaux qu'il a déjà sillonnées enfant avec ses parents, 30 ans plus tôt : "J'ai navigué pendant des jours et des semaines dans une mer de plastiques. J'ai pris une grosse claque !" raconte-t-il.
Un an plus tard, il décide de s'engager et fonde l'association The SeaCleaners, basée à La Trinité-sur-Mer dans le Morbihan. Aujourd’hui, son association emploie 23 salariés et compte 700 bénévoles. Elle s’est entourée d’un conseil scientifique dont fait partie François Galgani, océanographe réputé, responsable de projets à Ifremer.
Au terme de trois années de recherche et de développement, le skipper vient de dévoiler les premières images du projet Manta : un catamaran géant (de 56,5 m et 1900 tonnes) qui sera aussi le premier bateau-poubelle des océans !
"Le Manta est un projet qui vient d'une idée un peu folle, celle de collecter les plastiques dans les océans et les mers du monde. C'est un défi sacrément osé.", a reconnu Yvan Bourgnon.
Comme nos camions-poubelle, ce bateau innovant sera capable de collecter les déchets, mais aussi de les valoriser grâce à une unité de conversion énergétique par pyrolyse.
La technologie au service de l’écologie
Bien plus qu’un simple bateau ramasseur de déchets, le Manta sera une véritable usine flottante, capable de transformer l'intégralité du plastique collecté en énergie, avec une empreinte environnementale réduite au minimum.
L'énergie produite grâce aux déchets servira à alimenter le bateau en énergie, et sera complétée par des énergies "propres" comme des panneaux solaires, deux éoliennes, des hydro-générateurs et des groupes électrogènes pour éviter le recours aux énergies fossiles.
Ce système inédit devrait permettre au Manta de fonctionner 75% du temps en moyenne de manière autonome, sans utiliser d'énergies fossiles.
De plus, chaque bateau-usine géant sera complété par deux petits bateaux polyvalents de dépollution, appelés Mobula et embarqués à l'arrière du Manta, dans des radiers.
Ces petits frères du Manta pourront se déployer dans les ports, les fleuves ou les rivières et collecter les macro-déchets, les micro-déchets et les hydrocarbures dans des zones plus étroites, peu profondes et moins accessibles, où la manœuvrabilité est limitée, comme on peut le voir dans la vidéo de présentation du projet :
Un bateau aux multiples missions
Avec une capacité de collecte et de traitement des déchets de 1 à 3 tonnes par heure, le Manta se fixe pour objectif de débarrasser les océans de 5000 à 10.000 tonnes de déchets plastiques par an.
Bien sûr, Yvan Bourgnon le reconnaît, cela ne suffira pas pour nettoyer l'ensemble des mers et océans du globe : "On pense pouvoir éradiquer un tiers de la pollution mondiale avec 300 à 400 bateaux", explique-t-il.
Par ailleurs, ce catamaran futuriste sera aussi dédié à la recherche scientifique et à la sensibilisation du grand public.
Des scientifiques seront accueillis à bord et disposeront de tous les équipements océanographiques nécessaires pour mener à bien des missions de géolocalisation, de quantification et de caractérisation des déchets, des données très précieuses pour la recherche en écologie.
Chaque mission du Manta devrait durer trois semaines en mer, suivies d'une semaine à terre pour décharger les déchets non-plastiques collectés, les confier aux circuits de recyclage locaux et mener des campagnes de sensibilisation. Ces escales devraient en effet être assorties de conférences éducatives et d’activités pédagogiques sur la pollution plastique.
Yvan Bourgnon explique :
"J’ai créé l’association The SeaCleaners pour lutter contre ce fléau mondial avec, chevillée au corps, l’envie de créer un navire révolutionnaire, pionnier en matière de collecte de déchets plastiques, le Manta. The SeaCleaners se bat aujourd’hui sur tous les fronts : la sensibilisation et la prévention, la diffusion de la connaissance scientifique, la transition vers l’économie circulaire, le ramassage de déchets à terre comme en mer. Avec trois mots d’ordre pour guider notre démarche : passer à l’action, trouver des solutions, refuser la résignation."
Une mise à l’eau prévue pour 2024
L’équipe de The SeaCleaners espère transformer le projet Manta en un prototype fonctionnel dès 2024. La construction du premier bateau devrait débuter en 2022.
Le coût de ce projet s’élève à 35 millions d’euros et un tiers a déjà été réuni, auprès de mécènes privés.
Selon les calculs de l’association, 400 bateaux de ce type suffiraient à nettoyer un tiers des débris plastiques dans les océans. Et il y a urgence : "Quand on sait que la pollution va tripler d'ici à 2060, il est vraiment temps de s'activer", conclut Yvan Bourgnon.
Son bateau nettoyeur devrait être opérationnel en 2024 pour une première mission en Méditerranée, avant de partir à la conquête de l'Asie du Sud-Est, dans les hauts lieux de concentration du plastique.